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Sikkhim, 20-27 Mai

sikkhim

Ce petit etat indien ou tout le monde se deplace en jeep compte deux industries en plein essor: le tourisme et la production d'alcool. Les baroudeurs etrangers cotoient des bandes de vieux montagnards dans les 'liquor shops' des villages en plaisantant sur le fait qu'ils n'avaient pas pris de cuite depuis une eternite, en fait pas depuis qu'ils avaient mis le pied en Inde.

Je vis une semaine au coeur des montagnes sans jamais vraiment les voir. Les nuages s'insinuent dans les vallees, s'accrochent a chaque sommet en faisant chuter la visibilite a quelques dizaines de metres. Je m'abrite des lourdes pluies de l'apres-midi sous mon gigantesque parapluie noir. Ce temps a au moins l'avantage de me reconcilier avec les soupes bien chaudes. L'Egg Thupka - soupe de nouilles - des gargottes locales est tres appreciable apres une longue marche.

Je partage le dortoir du Garuda Hotel avec un lituanien - c'est rare! - et Lucy, une anglaise que j'avais deja rencontree a Darjeeling. Je decide avec elle d'abandonner le gros de nos affaires a l'hotel et de partir en randonnee. La descente vers la vallee depuis Peeling est extremement raide. Nos genoux doivent bloquer le poids du corps a chaque pas. Le sentier traverse alternativement de vieilles forets et de modestes terrasses cultivees - du mais la plupart du temps. Des drapeaux de priere sont installes devant chaque maisonnette en bois.

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Nous arrivons a la tombee de la nuit au lac sacre de Kecheopalri puis une derniere ascencion nous conduit jusqu'au village du meme nom. Une quinzaine de cabanes s'eparpillent autour du monastere. La moitie des habitants sont des moines. Une famille tres joviale loue quatre chambres aux randonneurs de passage. Nous payons 50 roupies - moins de 1 Euro - pour la nuit et la meme chose pour chaque repas cuisine au feu de bois a partir d'ingedients locaux: c'est delicieux! Le lendemain tout le village celebre les vingt ans de...Colin, un francais venu se perdre dans ce coin de paradis depuis un mois. Des hommes sont envoyes acheter de la biere au pied de la montagne. On plante les bougies dans un gateau de farine de mais. A minuit les villageois dansent au son de la flute, du tambour et des grillons: ces gens la aiment faire la fete.

Six heures de marche nous conduisent vendredi au village de Yuksom, l'ancienne capitale du royaume et le point de depart des expeditions vers Kanchenjunga. Un the bien chaud recompense nos efforts. Nous sympathisons rapidement avec les autres touristes: notre diner est pris en compagnie de deux australiens, deux anglais et Jan, un hollandais quincagenaire qui parcourt lui aussi l'Asie. "J'ai fete mes cinquante ans avec une belle carriere derriere moi au moment ou ma soeur jumelle est decedee. J'ai pense qu'il etait temps de faire autre chose..." Il se joint a nous le lendemain pour explorer les environs.

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Le 26 est une journee sportive de plus pour Lucy et moi. Nos jambes nous conduisent peniblement jusqu'a Tashiding, onze kilometres plus loin. Nous trouvons quand meme la force d'aller visiter le monastere perche sur sa colline a l'ecart du village. Cet ensemble de batiments colores, de stupas et de jardins nous donne la definition du mot 'serenite'. Un jeune polonais aux longs cheveux est plonge dans la lecture devant le dortoir. "J'etudiais le Bouddhisme au Tibet lorsque les soulevements du debut d'annee eclaterent. J'etais cense y rester jusqu'au mois de decembre mais les autorites chinoises commencerent a surveiller les etrangers puis un matin ils sont venus nous dire de quitter le pays. Du coup je termine mon apprentissage au Sikkhim."

Lucy m'emmene prendre un verre de Tumba dans une taverne locale. Il s'agit d'un troncon de bambou d'environ dix centimetres de diametre rempli de millet fermente et servi avec une carafe d'eau tiede. L'eau s'imbibe d'alcool en s'infiltrant a travers le millet. Il ne reste qu'a boire le fond du verre a l'aide d'une petite paille en bambou et a se resservir autant de fois que l'on souhaite. On ressort de la tres joyeux en ayant depense que 25 Roupies - 0.40 Euro.

27/05-28/05

Trente heures de transport et de correspondances - jeeps, cycle-ricksaw, train puis autoricksaw - me sont necessaires pour retourner a Bodhgaya. Oh cela n'est pas si desagreable: on voit du pays comme on dit! Il faut simplement s'habituer a partager l'intimite des autres voyageurs ayant la plupart du temps la main de mon voisin gauche sur mon genou et l'epaule de celui de droite dans mon dos. Je suis tout de meme soulage de retrouver le calme du temple tibetain a l'arrivee.

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Retour a Bodhgaya, 29-31 Mai

ecole

L'ecole de Nawadih est maintenant terminee! Je m'applique au pinceau pour ecrire les mots 'NAWADIH SEWING SCHOOL' sur une fine planche de bois au milieu d'un attroupement d'enfants curieux. Le signe est ensuite fierement installe a cote de la porte d'entree puis nous immortalisons ce moment officiel par une photo de groupe. J'ai fait imprimer une serie de photos prises lors de mon precedent passage et les distribue aux villageois. Pour beaucoup c'est la premiere fois qu'ils tiennent entre les mains leur portrait. Chaque soir une vieille femme armee de sa lampe a petrole vient brievement eclairer notre ecole puis part se coucher; on m'avoue a voix basse qu'elle chasse les fantomes.

En quittant Nawadih nous nous entassons a dix dans un autoricksaw. Je beneficie de quelques centimetres de banquette pour la moitie de mon corps tandis que l'autre moitie survole la portion de route a gauche du vehicule. Notre autoradio diffuse sa joyeuse musique indienne pendant que le soleil rouge vif se couche a l'horizon. J'observe femmes et hommes regagner leurs villages en portant sur la tete ou dans leurs bras toutes sortes d'emballages. J'oublie pendant quelques secondes mon statut d'etranger.

Je choisi ce moment du voyage pour me plier a la mode bouddhiste. Evidemment une coupure d'electricite survient alors que le barbier n'a rase que la moitie de ma tete. Il s'attaque alors a ma barbe pendant que les passants eclatent de rire devant mon nouveau look Punk. L'affaire est finalement conclue apres un quart d'heure d'attente anxieuse. La veille de mon depart Vinay et sa famille m'honore d'un grand festin. Ils empruntent de la vaisselle au fonctionnaire du coin et achetent un poulet entier en cassant leur tirelire. Lorsque j'arrive avec les boissons a 20h, la table est mise dehors illuminee par deux longues bougies.

ecole

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Vers le sud, vers la sortie..., 01-05 Juin

train

01/06-02/06

Un bus me conduit a Patna, la capitale surpeuplee du Bihar a partir de laquelle le train 2296 Shriwati Express va me porter sur 2500 kilometres jusqu'a Bangalore.

Berce par les legers sursauts de ma couchette, j'observe la fuite du temps et du paysage, un exemplaire de Robinson Crusoe a la main. Un chef religieu voyage dans mon carre. Son habit blanc est certainement plus propre que les draps des hotels que je frequente. Au depart du train une partie de ses disciples avait envahi notre wagon pour lui souhaiter bon voyage en se prosternant au sol, la plupart laissant derriere eux des offrandes sous forme de billets de banque que son associe ramassait promptement. Cet etrange personnage distribuait ses benedictions sans vraiment y preter attention. Il semblait las et presse de partir mais peut-etre etait-il simplement dans un etat de contemplation heureuse que je ne pouvais comprendre.

Une vague de vendeurs ambulants s'abbat sur notre voiture a chaque arret du train. Sans quitter ma couchette je peux aussi bien acheter un concombre fraichement epluche qu'un carnet a dessin pour enfant. Au fil du voyage mon choix semble cependant favoriser les samosas et le Times of India. J'ai finalement a peine le temps de m'ennuyer que nous arrivons deja a destination.

02/06

safran

Bangalore peut certainement concourir au titre de ville indienne la plus moderne: la gare centrale est equipee de televiseurs pour diffuser les informations! Dans le riche quartier sud on trouve meme un centre commerciale hebergeant les grandes enseignes internationales si bien qu'une fois a l'interieur on pourrait se croire a Bangkok ou a Tokyo. J'en profite d'ailleurs pour me payer une seance de cinema.

Un grand nombre de firmes internationales ont ouvert une fililale dans cette ville au climat tolerable dans leur course a la reduction des couts. Mais ici les travailleurs qualifies changent de travail comme de chemise, l'offre restant bien superieure au maigre flux de jeunes diplomes. Dans ces conditions seul le salaire compte. Les employes doivent aussi integrer une mentalite d'entreprise toute nouvelle dans leur pays. Manoj m'avait briefe a ce sujet: "Les ingenieurs indiens ont acquis d'excellentes competences individuelles selon les standards occidentaux mais des lors qu'on les fait travailler en equipe, les problemes de management et de delais apparaissent..."

Quatres mendiants regagnent chaque matin leur poste aux alentours de la gare. Le premier n'est qu'un enfant trainant une mauvaise maladie de peau. Le second est une femme au sari mauve souvent endormie au milieu du passage. Le troisieme expose sa cage thoracique deformee alors que le quatrieme a eu son bras droit ampute au raz de l'epaule. Bangalore, la cite high-tech, reste une ville indienne avant tout.

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05/06

soleil

Mon trajet en train entre Bangalore et Madras est surnaturel. Sept personnes occupent ma banquette normalement dimensionnee pour trois. Les gens s'entassent maintenant dans l'allee centrale alors que d'autres poussent aux portes pour rentrer a tout prix. Je pensais qu'il serait impossible de caser une seule personne supplementaire et pourtant des l'arret suivant de nouveaux voyageurs se faufilent. Fait encore plus surprenant: les vendeurs ambulants trouvent le moyen de percer la foule pour proposer leurs marchandises. Quatorzes personnes sont suspendues a la paroi exterieure du wagon lorsque le train redemarre. La chaleur extreme et la promiscuite ne semblent pas affecter les indiens. Ils mangent paisiblement puis jettent leurs detritus par les fenetres.

Ma derniere rencontre en Inde: le pasteur Abraham qui me parle de la difficulte d'exercer son metier dans un pays ou les chretiens ne representent qu'une petite minorite. "Certains pasteurs sont riches, ils ont meme une voiture! Mais moi je travaille dans les villages. Le gouvernement ne paye meme pas les pretres. As tu lu la Bible? Jesus dit: 'si tu donnes aux pauvres ils te le revaudront cent fois'." Hum je crois qu'il essaye de me dire quelque chose.

Je constate que les coupures chroniques d'electricite concernent aussi les aeroports. Pas tres rassurant. Je livre ma derniere bataille pour atteindre le comptoir d'embarquement. Mon voisin pourtant visiblement indien se plaint du desordre: "Mais pourquoi doublent-ils comme ca? Faites la queue!". J'en deduis qu'il vit a l'etranger.

Une chose est sure: je comprends maintenant les mots 'pression demographique'.

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